L’EXPERT HABILITÉ DU CSE

Santé, conditions de travail, égalité professionnelle.

Expertise SSCT du CSE

Les cas de recours.

Les cas de recours à un expert sont définis par l’article L2315-94 du code du travail :

Dans les entreprises qui comptent au moins 50 salariés, les représentants du personnel au CSE peuvent décider de recourir à un expert habilité pour l’assister dans ses missions en matière de Santé, Sécurité et Condition de Travail (SSCT) :

  • Dès lors qu’il a été constaté dans l’établissement, un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel ;

 

  • En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • En vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle, dans les entreprises qui comptent au moins 300 salariés.

 

Jusqu’en 2021, les experts étaient agréés par le Ministère du travail après analyse des dossiers par l’INRS et l’ANACT. Depuis le 1er janvier 2022, les cabinets sont habilités : un organisme certificateur (lui-même accrédité par le Comité français d’accréditation conformément à l’article R. 4724-1 du Code du travail) analyse les pratiques et les politiques qualité des cabinets en vue de garantir aux CSE un haut niveau de qualité des missions sur la base des règles, normes et principes déontologiques en vigueur.

Le rôle de l’expert
habilité du CSE
et des comités sociaux
des fonctions publiques

En tant qu’instance unique, le CSE a en charge les prérogatives en matière de santé, sécurité et conditions de travail auparavant dévolues au CHSCT et pour lesquelles il peut s’appuyer sur l’expert habilité.

L’expertise réalisée par un expert habilité est conduite suivant une méthodologie précise (présentation de la méthode et des objectifs poursuivis, établissement d’une lettre de mission, réalisation d’actions spécifiques à l’expertise demandée, clôture de la mission) telle que précisée dans l’arrêté et le référentiel de certification des experts habilités.

Dans ce cadre, conformément à l’arrêté du 7 août 2020, l’expertise SSCT consiste à :

  • Analyser les situations de travail
  • Evaluer les risques professionnels, et le cas échéant, les évènements accidentels
  • Évaluer, le cas échéant, les incidences pour les travailleurs de la mise en place d’un projet important ou de l’introduction d’une nouvelle technologie,
  • Identifier les opportunités qui permettraient, notamment, d’améliorer les conditions de travail et d’emploi, l’organisation, la santé au travail et la prévention des risques professionnels,
  • Formuler des recommandations en la matière,
  • Restituer au comité les conclusions de l’expertise.
  • Dans le cas de l’appui à la négociation sur l’égalité professionnelle, l’expertise vise à aider le comité à préparer cette négociation par toute action appropriée d’analyse de données, de formation ou de conseil.

 

L’expert a pour mission d’apporter au CSE des éléments d’information lisibles et objectifs permettant de formuler un avis éclairé et motivé.

« A compter de la désignation de l’expert par le comité social et économique, les membres du comité établissent au besoin et notifient à l’employeur un cahier des charges.

L’expert notifie à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat [lire ci-après le paragraphe « délais »]. » (L2315-81-1)

  • « Les experts (…) ont libre accès dans l’entreprise pour les besoins de leur mission. » (L2315-82)
  • « L’employeur fournit à l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. » (L2315-83)
  • « L’expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l’article L. 2315-3. » (L2315-84) ;
  • Le délai de la mission d’expertise dépend du type de mission que réalise l’expert.
  • Dans tous les cas, ce délai peut se négocier entre l’employeur, le CSE et l’expert : c’est même le sens premier de la loi. Les délais énoncés ci-dessous concernent ceux qui n’ont pas pu être négociés et que la loi a fixés comme suit :
    • Dans le cas de l’expertise pour projet important :
      • L’expert dispose de deux mois moins 15 jours pour réaliser sa mission à compter de la remise de l’information dans la BDESE du CSE. Il est donc crucial de bien veiller à ce que la réunion du CSE pouvant faire l’objet de la désignation de l’expert ne soit pas trop éloignée de la date de remise des informations dans la BDESE sans quoi le délai de l’expert sera réduit. L’avis du CSE est rendu 15 jours au plus tard après la remise du rapport de l’expert dans un délai maximum de 2 mois à compter de la remise de l’information dans la BDESE.
      • A noter que si une expertise concerne à la fois un CSE Central et des CSE d’établissement, ce délai de rendu d’avis est porté à trois mois et l’expert dispose de 3 mois moins 15 jours pour réaliser sa mission.
    • Dans le cas d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le délai est fonction du nombre de licenciements étant entendu que l’expert remet son rapport 15 jours avant :
      • 2 mois lorsque le nombre de licenciements économiques est inférieur à 100,
      • 3 mois lorsque le nombre de licenciements est compris entre 100 et 249 salariés,
      • Et 4 mois à partir de 250 licenciements.
  • Dans le cas d’une expertise pour risque grave, le délai de l’expert est de deux mois à compter de la réunion de désignation par le CSE. Ce délai de deux mois peut être renouvelé une fois pour une durée maximale de deux mois, par accord entre l’employeur et le CSE.
  • Dans le cas d’une expertise égalité professionnelle, il n’y a pas à proprement de délai pour réaliser la mission. La Cour de cassation convient que le délai de la mission est celui de la négociation de l’accord.
  • Au-delà de ces principes généraux, d’autres délais rythment la mission de l’expert :
    • Dans un délai de 3 jours suivants sa désignation, l’expert doit envoyer une première demande documentaire à laquelle la direction doit répondre sous un délai de 5 jours.
    • Dans les 10 jours suivants sa désignation au plus tard, l’expert doit transmettre sa lettre de mission / convention d’expertise
    • L’employeur peut contester l’expertise et saisir le juge judiciaire (président du tribunal judiciaire) dans un délai de dix jours à compter de :
      • . La délibération du CSE décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
      • . La désignation de l’expert par le CSE s’il entend contester le choix de l’expert ;
      • . La notification à l’employeur du cahier des charges et des informations qui lui sont transmises par l’expert (coût prévisionnel, durée…) s’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise ;
      • . La notification à l’employeur du coût final de l’expertise s’il entend contester ce coût.

Le coût de l’expert habilité est pris en charge à 100% par l’employeur dans quatre cas :

  1. Lorsque le motif de recours à expertise relève d’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel (expertise dite « risque grave) ;
  2. Lorsque le motif de recours à expertise relève, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de l’aide à la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle uniquement en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312 18du code du travail ;
  3. Lorsque le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312 84du code du travail au cours des trois années précédentes ;
  4. Si un accord entre le CSE et l’employeur le prévoit, notamment dans les cas énoncés ci-dessous où les frais sont partagés entre le CSE et l’employeur ;

 

Sauf accord différent, le coût de l’expertise est partagé entre l’employeur (80%) et le CSE (20% financés sur son budget de fonctionnement ; sauf si le budget de fonctionnement est insuffisant, cf. plus haut).

  • Lorsque le motif de recours à expertise relève de l’introduction d’une nouvelle technologie ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (expertise dite « projet important »).
  • Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions.
  • En matière de santé au travail, dans les entreprises d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés, le CSE a pour mission, outre la présentation des réclamations individuelles et collectives, de contribuer à la promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise. Il peut, à ce titre, réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou à caractère professionnel, dans les conditions mentionnées ci-dessous. Le comité dispose du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes et en cas de danger grave et imminent. Les missions de la délégation du personnel au CSE s’exercent au profit des salariés de l’entreprise et des autres travailleurs (salariés temporaires, stagiaires…) mentionnés à l’article  2312-6 du code du travail.
  • Dans les entreprises de plus de 50 salariés, dans le champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, les dispositions relatives aux « petites entreprises, sont complétées comme suit. Le CSE :

Procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs (salarié, stagiaire…), notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail ;
Contribue notamment à faciliter l’accès des femmes à tous les emplois, à la résolution des problèmes liés à la maternité, l’adaptation et à l’aménagement des postes de travail afin de faciliter l’accès et le maintien des personnes handicapées à tous les emplois au cours de leur vie professionnelle ;
3°Peut susciter toute initiative qu’il estime utile et proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes (tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant). Le refus de l’employeur est motivé.

  • Pour remplir ces missions, le CSE peut s’appuyer sur différents moyens en fonction de la taille de l’entreprise :
    • Dans certaines entreprises à risques particuliers ou établissements de plus de 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit être mise en place. Une telle commission peut également être mise en place à titre facultatif.
      Ces commissions se voient confier, par délégation du CSE, tout ou partie des attributions du comité (par exemple les enquêtes mentionnées ci-dessous) relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail, à l’exception du recours à un expert et des attributions consultatives du comité.
    • Des moyens d’enquête dont le pouvoir est plus ou moins étendu selon le seuil d’emploi de l’entreprise. Notamment, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE procède, à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail ; il peut demander à entendre le chef d’une entreprise voisine dont l’activité expose les travailleurs de son ressort à des nuisances particulières, et doit être tenu informé des suites réservées à ses observations ; il peut faire appel à titre consultatif et occasionnel au concours de toute personne de l’entreprise qui lui paraîtrait qualifiée.
    • Des réunions avec l’employeur : 1 fois par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés ; dans les entreprises de plus de 50 salariés, au moins 4 réunions du CSE portent annuellement en tout ou partie sur les attributions du comité en matière de santé, sécurité et conditions de travail.  Le comité est en outre réuni à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves, ainsi qu’en cas d’événement grave lié à l’activité de l’entreprise, ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement ou à la demande motivée de deux de ses membres représentants du personnel, sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail.
      • Des Consultations ponctuelles :
        • Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour au fil du temps.
        • En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Dans ce cas, le CSE peut recourir à un expert habilité.
      • Un droit d’alerte pour tout membre de la délégation du personnel au CSE :
      • Un droit à formation SSCT : dans toutes les entreprises dotées d’un CSE, quel que soit leur effectif, les membres de la délégation du personnel du CSE bénéficient d’un droit à formation en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. La formation est d’une durée minimale de 5 jours lors du premier mandat des membres de la délégation du personnel. En cas de renouvellement de ce mandat, la formation est d’une durée minimale :
        • De 3 jours pour chaque membre de la délégation du personnel, quelle que soit la taille de l’entreprise 
        • De 5 jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
      • Un droit de Recours à l’expertise : dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut décider de recourir à un expert:
        • Un expert habilité que notre syndicat représente, notamment :
          Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
          En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.

Le droit à expertise à la demande des CHSCT, aujourd’hui CSE, a été créé, en même temps que les CHSCT, Comités d’Hygiène Sécurité et Conditions de Travail, par la loi « AUROUX » du 23 décembre 1982. Cependant, les expertises n’ont vraiment débuté qu’en 1994, après la loi Aubry du 31 décembre 1991 et la publication du 1er décret d’agrément en février 1994.

Pour l’essentiel, le cadre réglementaire a été maintenu pendant une vingtaine d’années, permettant ainsi aux parties prenantes (représentants du personnel dans les CHSCT, directions d’entreprises, médecins du travail, experts …) de construire des compétences et des pratiques contribuant à la prévention des risques professionnels et à l’amélioration des conditions de travail.

Pour les élus au CSE, né des ordonnances Macron et de la fusion des instances représentatives du personnel qui regroupe dans une instance unique les prérogatives auparavant dévolues aux délégués du personnel, représentants du personnel au CE et CHSCT, la nécessité de pouvoir recourir à une expertise s’est accrue tant la diversité et la complexité des sujets à traiter s’est étendue. 

Utilité sociale de l’expertise

L’expertise « SSCT » est justifiée par le droit des représentants du personnel à disposer d’une information indépendante et autonome de l’employeur favorisant la pratique de la prévention.

L’expertise concrétise ainsi le droit pour les CSE de bénéficier d’un point de vue différent de celui de l’employeur et contribue à réduire l’asymétrie des connaissances entre les directions et les représentants du personnel.

Elle aide les CSE à être acteurs de prévention en renforçant le « pouvoir d’agir » de chacun de leurs membres et en leur permettant de rendre des avis éclairés sur des projets ou d’identifier les raisons de l’apparition d’un risque grave. Elle accompagne leur droit de faire des propositions auxquelles l’employeur doit indiquer quelle suite il leur réserve. En effet, l’Article L.2312-27 du Code du Travail précise que dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, l’employeur présente au CSE le PAPRIPACT (programme annuel de prévention risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail). Lors de l’avis rendu sur ce programme, le CSE peut proposer un ordre de priorité et l’adoption de mesures supplémentaires. Lorsque certaines mesures prévues par l’employeur ou demandées par le CSE n’ont pas été prises au cours de l’année concernée par le programme, l’employeur énonce les motifs de cette inexécution, en annexe du rapport annuel.

Le CSE par le biais de l’expertise a la capacité de faire émerger le point de vue des salariés sur leur travail, afin de faire reconnaitre le travail réel, d’améliorer la santé, la sécurité et les conditions de travail dans l’entreprise.

Les expertises « SSCT » visent l’enclenchement d’un processus, d’une dynamique de changement, ouvrent les échanges entre la direction et les représentants des salariés au CSE.

Elles permettent d’apporter des compétences et contribuent à une dynamique de prévention. Elles doivent permettre de renforcer le dialogue social sur les questions du travail et de la santé des
salariés.

Les expertises sont, par elles-mêmes, des actions qui impliquent les salariés, des actions contributives à la qualité de vie au travail. Elles permettent en effet d’ouvrir des espaces d’expression pour parler du travail réel.

Pour cela, les expertises contribuent à la transformation des représentations sur le travail.

  • Elles incluent un travail de diagnostic, d’explicitation et de reformulation des problématiques sous un jour nouveau. Il s’agit ainsi de changer la représentation des acteurs sur le travail, ce qui est une première étape rendant possible le changement.

Depuis 1994 et la mise en œuvre effective du droit à expertise SSCT, l’expertise a permis d’apporter un regard nouveau et éclairé sur les enjeux en matière de santé au travail et de risques professionnels, au plus près des réalités du travail et du fonctionnement du dialogue social au sein des organisations. Les expertises SSCT ont ainsi permis de :

  • Faire émerger la compréhension de nouveaux risques, notamment dans le cas de l’amiante, des risques psychosociaux ou encore du télétravail ;
  • Identifier les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés en se fondant sur une analyse du travail réel souvent méconnue des directions ;
  • Mettre en avant l’impact des changements d’organisation et leurs conséquences sur la santé des salariés et leurs conditions de travail ;
  • Analyser les impacts des projets de licenciement sur ceux qui restent en emploi ;
  • Favoriser les débats et les échanges autour du travail réel et des risques professionnels pour améliorer leur prévention ;
  • Fournir des recommandations permettant d’agir en matière de prévention des risques, sur la base des principes de prévention primaire pour traiter les risques à directement à leur source ;
  • Faire preuve de pédagogie permettant ainsi aux élus mais aussi aux directions de monter en compétences et en maitrise sur ces sujets parfois techniques